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A la fin des années 60, le haut de gamme Simca est représentée par le couple 1301 et 1501. L’ambition de Simca est de proposer un modèle plus cossu, plus puissant, solide, spacieux et sûrement plus moderne. Chrysler France fraîchement débarqué à la direction de Simca, dévoile les berlines Chrysler 160 (9CV), 160 GT et 180 (10CV), alors développées et produites à l’usine de Poissy, mais dont la carrosserie a été conçues en Angleterre chez Rootes. Chrysler, qui espérait vendre plus de 100 000 voitures par an dans ce segment, croyait détenir le haut de gamme adapté "au goût d'une large catégorie de clients"...
La Chrysler 160 présentée sur le catalogue 1973 |
La type "949" :
De conception classique, ces
voitures arborent un tout nouveau moteur moderne 4 cylindres en ligne à
distribution à arbre
à cames en tête. Rare est ce type de distribution dans la concurrence française
surtout dans ce segment du haut de gamme. C’est d’ailleurs le premier moteur chez Simca ayant
cette architecture, et aussi le dernier. Ce moteur robuste et performant a été
taillé pour la course. Le magazine "L'Automobile" écrivait même
"moteur largement dimensionné".
La 160 possédait un moteur 1639 cm3 de 80 CV DIN pour
155Km/h, et la 180 un 1812 cm3 de 97CV DIN pour
169Km/h. Donc des performances intéressantes pour l’époque.
Notons aussi l’existence d’une éphémère 160 GT,
qui n’était qu’une Chrysler dotée d’un moteur de 180,
mais équipée comme une 160.
Les Chrysler étaient
équipées de freins à disques à l’avant,
et même à l’arrière pour la 180, ce qui
n’était pas si fréquent au début des
années 70 : un freinage sécurisant et sans reproche
pour les deux modèles.
La transmission se fait aux roues arrières par
l’intermédiaire d’une boîte 4 vitesses, nouvelle, inspirée de
celle de la 1501 spécial (ou automatique
d'origine Chrysler en option), d’un pont aussi robuste que rigide, suspendu par des ressorts (pas des lames quand même), donnant
un comportement débonnaire mais jamais vachard.
Equipée d’un train avant de type Mc Pherson et d’une direction
à crémaillère, la tenue de route de la "949" se
révèle saine, et affectée d'un rassurant sous
virage à la décélération. Malgré
une bonne stabilité sur route lisse et à "grande"
vitesse, la vocation de cette voiture, on s'en serait douté,
n'est pas le sport, mais la route.
La suspension a été largement critiquée à l'époque par la presse ; plus que
par les utilisateurs. Non pas qu'elle était dangereuse, mais c'est surtout le
confort sur route bosselée qui était jugé insuffisant. Voici les avis des magasines
l'Expert Automobile en 1971
et Virage d'octobre
1970.
Les aspects sécurité ne furent pas négligés non plus, par l'adoption d'un habitacle "indéformable", d'une colonne de direction articulée, d'accessoires encastrés et de rembourrages dans l'habitacle.
Fin 1972, les Chrysler subiront leur premier petit remodelage esthétique. Elles seront alors équipées de jolies baguettes chromées à la base des vitres latérales et ceinturant la caisse, de cerclage des passages de roues, et de nouveaux joncs métalliques entourant pare-brise et lunette arrière. Le toit en vinyle est en option dès le millésime 1972. La puissance de la Chrysler 180 est portée à 100 CV DIN.
La Chrysler 2 litres automatique :
Début 1973, les ventes stagnent. La firme lance un nouveau modèle basé sur la Chrysler 180 à boîte de vitesse automatique : la Chrysler 2 litres automatique.
Comme son nom l’indique, elle était uniquement livrable en boîte automatique. Son moteur, réalésé à 1981 cm3 développait la coquette puissance de 110 CV DIN, lui conférant des performances (171 Km/h) identiques à celles de la 180 à boîte mécanique. L’allure de l’auto évolue grâce à l’adoption de jantes de 14 pouces, équipées de magnifiques enjoliveurs du plus pur style US. Le toit en vinyl de série parachève le "look" américain. Deux projecteurs longue-portée encastrés dans la calandre classent la 2 litres automatique parmi les grandes routières ; ce statut est confirmé par les performances, le confort et la douceur de la boîte de vitesse automatique d’origine américaine. Un petit logo "2L" sur le panneau de custode apparaît.
En même temps les 160 et 180 (la 160GT ayant disparu), héritent des même roues et enjoliveurs que la 2 litres. Le toit en vinyle est une option.
Changement d’appellation :
Pour le millésime 77, les Chrysler désormais construites en Espagne dans l'usine Barreiros de Villaverde, changent de nom. Dans le numéro est associé la puissance fiscale :
1609 pour la 160, équipée d’un carburateur double corps (90 CV), et qui n’est plus commercialisée en France.
1610 pour la 180 qui hérite de l’équipement et de la finition de la 2 litres, comme le toit vinyle de série et projecteurs longue portée.
La 2 litres automatique ne change pas de nom.
Le logo "Simca" apparaît sur la malle
arrière. En revanche, le "pentastar" de Chrysler remplace les
logos "160", "180" ou "2L" de la calandre !
Ces voitures sont équipées d’un allumage
électronique sans rupteur (avec capteur à effet Hall),
et sans entretien.
L’intérieur tout en velours de cette série était très
élégant..
Le changement de nom ne changera rien aux volumes des ventes qui continuent de
baisser...
La Chrysler 2l automatique présentée sur le catalogue 1977 |
Chrysler suite et fin :
Depuis le 10 août 1978 Chrysler Simca
n'appartient plus au constructeur américain Chrysler
Corporation. Simca a été repris par le groupe PSA
(Peugeot Citroën) qui ayant naturellement l'interdiction de conserver le nom
"Chrysler" l'a renommée Talbot. Talbot,
qui était la propriété de Simca depuis une
vingtaine d'années, représentait le luxe et les
performances, mais probablement pas grand chose dans l'esprit de la
clientèle. Peut-être, aurait-il été
préférable que Peugeot conservât l'appellation Simca,
seule, comme il a fait pour Citroën. Mais le destin de Simca était hélas
scellé.
Désormais, notre modèle s'appelle "Talbot Simca
2L/1610", mais les inscriptions "Chrysler" persistent sur le tableau
de bord, sur le macaron de custode, et même sur les
dépliants publicitaires de 1979, de même que le
pentastar (symbole de Chrysler) au centre de la calandre.
Sûrement, que cette voiture détient un record mondial :
celui des changements de nom !
La Chrysler 2l automatique présentée sur le catalogue 1979 |
Les millésimes 79 et 80 verront
apparaître un timide "restyling" des Chrysler :
Les baguettes latérales chromées deviennent
caoutchoutées et plus épaisses.
La calandre ne possède plus que 2 lignes chromées.
Les enjoliveurs de roue sont remplacés par des modèles
simplifiés. Probablement une influence des journalises espagnols ayant
souvent critiqués ces enjoliveurs pour leur esthétiques et le manque d'ouies
de ventilation pour les freins.
Bref, la Chrysler gagne en sobriété, ce qui finalement n'est pas déplaisant.
La 1610 est enfin équipée du moteur 2 litres, elle ne
possédera pas pour autant le logo ‘’2L’’ de custode, et ne
s'appellera pas "1611" malgré ses 11CV fiscaux. Avec sa
boîte mécanique, ses 1100Kg et ses 110 CV, c’est le
modèle le plus performant. Les performances (175Km/h) ne sont
pas ridicules encore aujourd’hui. Cette version, hélas, a
été très peu diffusée.
Aujourd'hui, on peut regretter que Chrysler France n'ait pas souhaité développer un peu plus cette voiture. Le haut de gamme Simca-Chrysler aurait pu espérer, en ce milieu des année 70, un équipement plus complet, comme une direction assistée, des vitres et serrures électriques, une option climatisation (le montage existait pour les pays chauds), ou ne serait-ce qu'un voyant de frein à main... Ou encore plus simplement, une 2 litres à boîte mécanique dès 1973... Et pourquoi pas une 2L2 pour concurrencer d'autres modèles de haut de gamme...
Les Chrysler ont, paraît-il, été commercialisées encore quelques années en Espagne (en diesel (taxi), break, ambulance et limousine), pays où, elles semblent avoir eu un bon succès d'estime.
En Australie aussi, une version de notre Chrysler a été commercialisée sous le nom de "Centura". La Chrysler Centura était équipé du 2 litres européen, ou d'un 6 cylindres, décliné en deux cylindrées.
Sa remplaçante s'appelle "Tagora GL/GLS". Techniquement très proche de la Peugeot 505, elle conservera tout de même le moteur de la Chrysler 2 litres, dont la course augmentée portera la cylindrée à 2155 cm3 (ref. 9N2) et la puissance à 115 CV din. Lourde de ces 1260 Kg, ces performances sont comparables à celles d'une Chrysler 2 litres automatique, et inférieures à celles d'une 1610 2 litres. Cette voiture existe aussi en version turbo diesel "DT" (2,3 litres et 80 CV din), et en version haute performance 6 cylindres en V "SX" (2,7 litres PRV, 2 carburateurs triple corps et 165 CV din).
Le 2,2 litres "Chrysler" poursuivra sa vie dans
la 505 turbo injection (150, 160 et 180 CV din), dans la Matra Murena
(118 ou 142 CV din kité), et dans l'étrange et
confidentielle Citroën BX 4TC.
La firme MVS aussi avec sa Venturi, a utilisé ce moteur dans
une version kitée PTS de 200 cv, pour le développement
de son premier modèle.
Le nom "Chrysler" :
Il est probable qu'en cette fin des années 60, Chrysler France ait voulu avoir la même démarche que ses deux concurrents GM (Opel) et Ford, avec leurs filiales européennes. C'est à dire s'implanter définitivement en Europe avec des produits conçus pour les goûts européens. La marque Simca n'était alors qu'un tremplin à la concrétisation de cette démarche. Le nom Simca devait s'éclipser devant celui de Chrysler. Les Chrysler 160 et 180 inauguraient ce nouveau principe. Pas simple pour la clientèle Simca de l'époque de savoir lorsqu'on parle des Chrysler 160, ou 180, si le terme de Chrysler désigne un modèle de Simca ou d'une nouvelle marque.
Pas évident non plus pour Chrysler France de gérer toutes ces labels au fur et à mesure de ses acquisitions : Rootes, avec Sunbeam, Simca avec Matra et puis Barreiros. Sans oublier, et pour finir cette liste : Talbot.
Mais, il est évident que les responsables marketing espéraient que le prestige, que la marque Chrysler pouvait évoquer, influencent favorablement les chiffres de vente des nouvelles Chrysler 160 et 180...